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Les impacts écotoxicologiques des microplastiques sur les animaux

M
alheureusement, la vaste majorité des Tunisiens semble ignorer la présence des microplastiques (MPs) dans l’environnement, sans parler de leurs impacts écotoxicologiques, en partie parce que ces particules sont difficiles à identifier, à l'œil nu, surtout quand elles sont transparentes [1] et, aussi, parce que la couverture médiatique de leurs potentiels dangers est insuffisante, voire absente, en Tunisie.
Dans cet article, je vais essayer de répondre à quelques questions, parmi un flot de questions qui me perturbe l'esprit, dans l'espoir de contribuer à la sensibilisation et à la diffusion des connaissances. Je commencerai par définir ce que sont les microplastiques. Ensuite, je présenterai les résultats de recherches, qui ont évalué les effets des microplastiques sur les organismes animaux, in vivo et in situ, afin de tirer, enfin, ma conclusion.

Les microplastiques: Généralités
Le terme microplastiques englobe les petites particules en plastique, qu'il s'agisse de fibres, de granules ou de fragments, dont la taille est inférieure à 5 mm. Il est à noter que d'autres chercheurs ont défini les MPs comme des particules pouvant passer à travers un tamis à maillage de 500 μm, mais qui sont retenues par un tamis à maillage de 67 μm (~ 0,06-0,5 mm de diamètre) [2].
A l'échelle nanométrique (1 nm - 100 nm), on parle plutôt de nanoplastiques, tandis que les particules, dont la taille est entre 5 et 20 mm, sont appelées des mésoplastiques [3]
Étant donné que les microplastiques sont non seulement le résultat de la dégradation des objets et des déchets plastiques plus grands, comme les pneus et les filets de pêche, mais peuvent, également, être intentionnellement fabriqués, pour être incorporés dans de nombreux produits, tels que les produits cosmétiques; les scientifiques les ont classés ,respectivement, comme microplastiques secondaires et primaires [3]. Les sources de microplastiques sont, donc, multiples et elles peuvent, également, être classées en sources primaires et secondaires, en fonction de la manière directe ou indirecte avec laquelle ils se sont retrouvés dans l'environnement [3].
Ce qui est encore plus inquiétant, c'est le fait que les microplastiques peuvent incorporer ou adsorber à leur surfaces d'autres substances dangereuses, tels que les pesticides et les métaux [3,4]. Ils peuvent pénétrer, ainsi, ensemble dans la chaîne alimentaire, et engendrer une accumulation des polluants dans différents organismes animaux marins et terrestres [3, 4]

Impacts écotoxicologiques des MPs sur les animaux in vivo et in vitro
En filtrant les résultats de recherche sur Google Scholar, et en lisant différents articles et revues scientifiques, enquêtant, entre autres, sur les impacts écotoxicologiques des microplastiques sur les animaux in vivo, j'ai  remarqué que la majorité des études sont récentes, et que les organismes marins sont les modèles expérimentaux préférés des chercheurs. Par exemple, plusieurs effets pathologiques ont été déjà observés chez différentes espèces de poissons, exposées aux microplastiques, in vivo. Parmi ces effets, on peut citer les dysfonctionnements immunitaires, les troubles digestifs, les perturbations endocriniennes et le stress oxydatif [3, 5].
Testés récemment à différentes concentrations réalistes, reflétant le degré de pollution touchant l'écosystème de trois zones côtières de l'océan pacifique (Île de Pâques, Guam et Hawaï), les microplastiques se sont avérés capables de produire des effets sublétaux importants chez les larves de poisson MédakaL'induction de l'activité du cytochrome CYP450 1A et les dommages à l'ADN ont été les biomarqueurs les plus alarmants [6].
Concernant les effets potentiels des microplastiques sur la santé de l'homme, une tendance tant attendue vient de se manifester par la publication des résultats d'expériences faites sur le modèle classique de mammifère, le plus utilisé dans les laboratoires, qui est évidemment la souris. Parmi ces études, une, publiée en 2019, a démontré que l'ingestion de microplastiques en polyéthylène provoque une inflammation et un déséquilibre des flores digestive et intestinale [7]. D'autres chercheurs ont choisi d'étudier les effets des microplastiques en polystyrène, non seulement in vivo sur des souris, mais aussi in vitro, en utilisant des cellules humaines, telles que la fameuse lignée cellulaire d'origine intestinale, Caco-2, et la lignée monocytaire THP-1. Cependant, les résultats obtenus suggèrent que l'exposition aux microplastiques, sous les conditions expérimentales choisies, ne pose pas de risques aigus significatifs pour la santé des mammifères [8]

Impacts écotoxicologiques des MPs sur les animaux in situ 
Selon une étude canadienne, investiguant les impacts écotoxicologiques des microplastiques dans 4 sites différents du Côte Est de l'île de Vancouver, la pollution environnementale d’une zone bien déterminée ne reflètent pas nécessairement la quantité ingérée par les organismes marins de cette zone, puisqu’aucune corrélation significative n'a été trouvée entre les quantités de microplastiques présentes dans les échantillons d'eau et de sédiments avec celles détectées chez les Saumons juvéniles étudiées. En effet, le nombre moyen de microplastiques par gramme de poisson était plus faible, même, par rapport aux valeurs figurant dans la littérature. Il est, donc, peu probable que les microplastiques observés in situ représentent une menace immédiate pour les poissons de cette zone [9]
Une autre étude australienne n'a trouvé aucune indication claire et directe de l'influence de l'ingestion de matières plastiques dispersées dans l'environnement et la condition physique générale des oiseaux marins et côtiers australiens, probablement, à cause de la faible taille de l'échantillon et l'état initial critique des oiseaux récupérés par l'organisation australienne de sauvetage des animaux marins (ASR: Australian Seabird Rescue[10]. Cependant, il convient de noter qu'une ulcération et une nécrose du gésier étaient évidentes chez 66% des échantillons contenant du plastique, et que 33% des oiseaux avaient des objets en plastiques bloquant complètement le pylore [10]
Afin d'évaluer le risque d'exposition humaine aux microplastiques, par ingestion de moules contaminées, une équipe de chercheurs a comparé l'abondance des fibres en microplastiques présentes dans la poussière domestique à celle quantifiée dans des moules, qui ont été collectées autour de la côte d'Écosse et testées, in situ, à Édinbourg (Royaume-Uni). Selon les résultats trouvés, le risque d'ingestion de plastique via la consommation de moules est minime, par rapport à l'exposition humaine aux fibres présentes dans la poussière, au cours d'un repas [11]

Conclusion:
Bien qu'il existe à ce jour peu de recherches approfondies sur les microplastiques, et que la plupart des études publiées se soient principalement concentrées sur la pollution de l’eau par les particules en plastiques et aux effets de ces dernières sur les organismes marins, l'intérêt pour les impacts écotoxicologiques des microplastiques sur les animaux n'a cessé d'augmenter ces dernières années pour couvrir davantage les animaux terrestres.
Cependant, quelle que soit l’espèce animale, des études supplémentaires doivent être menées, in situ, à des échelles plus grandes, afin de confirmer les effets nocifs observés, principalement, in vivoLes mécanismes d'action des microplastiques sur la santé des animaux sont également encore mal connus, et, par conséquent, des expériences complémentaires dans ce sens sont souhaitables!
Un public sensibilisé et engagé pourrait encourager encore plus le financement de la recherche scientifique sur les problèmes émergents autour des microplastiques et faire pression sur les législateurs, pour qu’ils promulguent des lois plus strictes régissant l'utilisation des plastiques.

Références:

[1] Song Y K, Hong S H, Jang M, Han G M, Rani M, Lee J, et al. A comparison of microscopic and spectroscopic identification methods for analysis of microplastics in environmental samples. Marine Pollution Bulletin. 2015;93(1-2):202-209. doi:10.1016/j.marpolbul.2015.01.015

[2] Andrady A L. Microplastics in the marine environment. Marine Pollution Bulletin. 2011;62(8): 1596-1605. doi:10.1016/j.marpolbul.2011.05.030 

[3] Lassen C, Hansen S F, Magnusson K, Hartmann N B, Jensen P R, Nielsen T G, et al. Microplastics: occurrence, effects and sources of releases to the environment in Denmark. Copenhagen K: Danish Environmental Protection Agency. 2015 (ISBN no. 978-87-93352-80-3)

[4] Guerrantia C, Martellinia T , Perra G. Scopetanib C, Cincinelli A .  Microplastics in cosmetics: Environmental issues and needs for global bans. Environmental Toxicology and Pharmacology.2019;68:75-79. doi.org/10.1016/j.etap.2019.03.007

[5] Qiao R, Deng Y, Zhang S, Wolosker M B, Zhu Q, Ren H, et al. Accumulation of different shapes of microplastics initiates intestinal injury and gut microbiota dysbiosis in the gut of zebrafish. Chemosphere. 2019;236,.124334. doi:10.1016/j.chemosphere.2019.07.065 

[6] Pannetier P, Morin B, Le Bihanic F, Dubreil L, Clérandeau C, Chouvellon F, et al. Environmental samples of microplastics induce significant toxic effects in fish larvae. Environment International. 2020;134, 105047. doi:10.1016/j.envint.2019.105047 

[7] Li B, Ding Y, Cheng X, Sheng D, Xu Z, Rong Q, et al. Polyethylene microplastics affect the distribution of gut microbiota and inflammation development in mice. Chemosphere. 2019. doi: https://doi.org/10.1016/j.chemosphere.2019.125492.

[8] Stock V, Böhmert L, Lisicki E, Block R, Cara-Carmona J, Pack L K, et al. Uptake and effects of orally ingested polystyrene microplastic particles in vitro and in vivo. Archives of Toxicology. 2019;93(7):1817–1833. doi:10.1007/s00204-019-02478-7 

[9] Collicutt B, Juanes F, Dudas S E. Microplastics in juvenile Chinook salmon and their nearshore environments on the east coast of Vancouver Island. Environmental Pollution. 2019;244:135-142. doi:10.1016/j.envpol.2018.09.137

[10] Gilbert J M, Reichelt-Brushett A J, Bowling A C, Christidis L. Plastic ingestion in marine and coastal bird species of southeastern Australia. Marine Ornithology. 2016;44:21-26

[11] Catarino A I, Macchia V, Sanderson W G, Thompson R C, Henry T B. Low levels of microplastics (MP) in wild mussels indicate that MP ingestion by humans is minimal compared to exposure via household fibres fallout during a meal. Environmental Pollution. 2018;237;675-684. doi:10.1016/j.envpol.2018.02.069 



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